Les deux côtés de la clôture
« Tu peux abandonner et personne ne s’en fera, mais toi, tu le sauras toujours » : John Collins, fondateur du triathlon Ironman
Bien des choses m’ont donné de la perspective, qu’il s’agisse d’une leçon de vie quelconque, de la mort de mon père, décédé de la maladie de Lou Gehrig (SLA), ou de ma propre déficience visuelle. Ayant appris à quatre ans que j’étais atteint de la rétinite pigmentaire et que je perdrais graduellement la vue, j’ai vécu une vie de perspective et d’appréciation.
Né à Chatham en Ontario sur une petite ferme, le cadet de trois enfants, mes parents m’ont fait un immense cadeau sous forme d’une seule décision. En apprenant mon diagnostic, ils ont choisi de m’élever comme tout autre enfant, de me laisser essayer, me laisser tomber, me laisser apprendre et apprécier les leçons de vie. Cette simple décision m’a guidé tout au long de ma vie.
Grandissant avec une « déficience visuelle », j’ai profité de la vue que j’avais pour jouer au hockey, au golf, au tennis, au football et à tous les autres sports que jouent les enfants. À mesure que ma vue baissait, ma capacité de jouer les sports « réguliers » diminuait aussi, et je me retrouvais de plus en plus près de cette « clôture ». En découvrant la course et éventuellement, le triathlon vers la fin du secondaire, j’ai trouvé un sport qui pour lequel ma détermination et mon entêtement devenaient un atout. Je n’étais pas le plus rapide, mais j’étais têtu.
En 2008, après de nombreuses réalisations malgré ma vue qui diminuait sans cesse, l’obtention de mon diplôme en kinésiologie, mon mariage, 10 ans de courses comme triathlète, 5 triathlons Ironman et tellement d’autres courses que j’en perds le compte, je suis arrivé à la « clôture ». J’ai décidé de mettre fin à ma carrière en solo et de devenir para-triathlète. Ce n’était plus sécuritaire pour moi ni pour mes compétiteurs de courir seul. Depuis lors, je cours accompagné de mon guide Syd Trefiak en tant que para-triathlète classé au niveau national et je vise les Jeux paralympiques 2016 à Rio. Le fait de me retrouver de l’autre côté de la clôture m’a apporté une nouvelle carrière, de nouveaux amis et de possibilités, qui me tiennent beaucoup à coeur et m’emballent beaucoup. Ma perspective de vie m’encourage à revendiquer le respect, l’inclusion et l’accessibilité pour les personnes ayant un handicap.
Du côté « seul » de la clôture, j’étais perçu comme étant un compétiteur, alors que du côté « para », on me perçoit comme étant un participant « bravo, bel effort ! ». La participation, c’est bien beau, même merveilleux, mais ça ne devrait pas être le seul mot utilisé lorsqu’on parle des para-athlètes. À travers mes gestes et mes paroles, je me voue à la mission de promouvoir une communauté où les gens sont respectés peu importe leur niveau d’adresse.
Grâce à mes parents, j’ai grandi sachant que pourvu que je fasse de mon mieux, que je sois honnête et que je travaille de façon intègre, je serais connu de réputation, PAS pour le fait que je soit légalement aveugle et que je perd tranquillement le peu de vue qu’il me reste. Mon rêve, c’est qu’un jour l’athlète aveugle (ou ayant une déficience visuelle), en tandem avec son guide, sera debout à la ligne de départ et perçu et respecté en tant que compétiteur.