Lawrence Shapiro

La danse vers l’extase

Tout comme Terry Fox, j’ai perdu ma jambe à cause du cancer lorsque j’étais jeune homme. Cela aurait pu être pire, disait-on à mes parents. Comme je n’étais pas « particulièrement sportif », les gens se disaient c’était une perte moins grave dans mon cas, puisque ça me manquerait moins de jouer dehors et de faire de l’activité physique. Et dans une certaine mesure, ils avaient raison. Je n’avais jamais aimé jouer aux sports ni au hockey ou au football. Mes intérêts étaient presqu’entièrement sédentaires, par exemple lire, écouter de la musique et oui, regarder la télé.

Il y a environ dix ans, un ami a insisté que je me grouille le derrière et que je commence à faire quelque chose. Le fait de déménager à Vancouver en Colombie-Britannique a été le premier facteur de ma transformation. Là-bas, les gens les plus en santé au Canada m’ont impressionné chaque jour en étant si friands du plein air. Le climat fantastique et leur mode de vie plus sain m’ont fait comprendre que dans ma province natale de l’Ontario ainsi qu’ailleurs au Canada, les gens sont tellement envahis par l’hiver qu’il existe un monde d’activité tout à fait distinct sur la côte Ouest. La carte d’affaires de chaque fonctionnaire dans cette province m’affirme que la Colombie-Britannique est le « meilleur endroit au monde » et au fond, ils ont peut-être raison.

Je suis donc devenu membre d’un club d’entraînement et j’ai commencé à voir un entraîneur une fois par semaine dans ma nouvelle ville. Le résultat? Un nouvel engagement inébranlable envers l’exercice et un mode de vie sain. Même deux semaines plus tard, mon corps changeait de forme, et le climat, printanier à l’année longue, facilitait grandement les sorties. Ensuite, j’ai fait la connaissance de Vancouver Adapted Snow Sports (Sports de neige adaptés de Vancouver) et de leur engagement envers la promotion de l’activité en plein air pour les personnes ayant un handicap. C’était un moment historique : pour la première fois depuis mon enfance, j’ai commencé à faire du ski alpin – au mont Grouse (à seulement vingt minutes du centre-ville de Vancouver) – et c’était formidable ! Ensuite, je suis allé au centre de ski de Whistler, où j’ai travaillé avec leur programme de ski adapté. Phénoménal ! Je passais des heures à skier les montagnes partout. « Comment réussissez-vous à faire du ski? » m’a demandé une serveuse dans un resto au sommet d’une montagne à Whistler, me regardant traverser la salle sur une jambe avec des béquilles. « Très bien ! » a rétorqué mon instructeur de ski avant que ne je puisse répondre.

Mais ce n’est pas la fin de l’histoire. La Vancouver Society of Disability Arts and Culture m’a invité à passer une audition pour un rôle dans un spectacle de danse intégré, qui comprenait des danseurs handicapés et non handicapés. J’ai obtenu le rôle et puis j’ai vécu l’expérience la plus physiquement épuisante de ma vie : me préparer pour un spectacle de danse professionnel. « No Leg to Stand On » (Debout sur une jambe) a fait sensation au festival Edge de Vancouver, et j’avoue que c’était moi la vedette du spectacle! Mais j’ai d’autres choses à vous raconter! Peu après, j’ai demandé une subvention de voyage pour le perfectionnement professionnel auprès du service de la danse du Conseil des Arts du Canada, afin d’assister à une conférence internationale sur la danse et le handicap en Écosse... et j’ai reçu la subvention! J’ai passé un séjour formidable à Glasgow, où j’étais le seul participant de l’Amérique du Nord.

Dans mon cas, la vie active m’a complètement transformé. Elle m’a donné une nouvelle liberté, de nouvelles possibilités d’emploi et une identité toute nouvelle en tant qu’artiste de performance ayant un handicap, reconnu par des agences artistiques telles que le Conseil des Arts du Canada et le Conseil des Arts de la C.-B.

Il y un terme qu’on utilise dans le monde de la danse pour décrire le fait de se déplacer sur le plancher puis de s’élancer vers le haut. Cela s’appelle « mouvement à différents niveaux » et c’est justement ce que la vie active a fait pour moi. Elle m’a transporté vers des expériences que je ne pensais jamais vivre. Et cette belle aventure ne fait que débuter.